mardi 27 août 2024

Mes AMFIS 2024... et leurs lendemains

 

Ce dernier week-end d’août j’ai participé pendant deux jours et demi aux « Amfis », le rassemblement de rentrée (que d’autres appellent université d’été) du mouvement de La France Insoumise. Près de 5000 personnes y ont assisté et, avant le meeting de clôture du dimanche matin, ce furent une cinquantaine d’entretiens, de débats, tables rondes et autres temps forts qui se sont succédé pendant trois jours, les soirs étant consacrés à des concerts, films ou représentations théâtrales…

Tout y est très bien organisé. Je n’entre pas dans les détails mais la sécurité, les temps de pause entre les activités, les multiples points d’eau mis en place en-dehors même des buvettes (sans alcool) et coins repas, foodtrucks, espaces toilettes, les sonorisations bien réglées afin que 10 rencontres puissent se tenir en même temps sans interférence dans les espaces de plein air, jusqu’à la mise en place des parkings et navettes, tout est pensé et fonctionne.


Je ne prétends pas rendre compte de l’ensemble de ce qui s’est passé, n’ayant assisté qu’à sept séances en deux jours...Voici en peu de mots ce que j’ai suivi : L’entretien avec Didier Éribon a surtout porté (outre les récits familiaux) sur la capacité à transposer le JE en NOUS, à élargir l’identité individuelle en collectif donnant accès à la parole. L’entretien avec Ada Colau ex-maire de Barcelone a montré ce que peut une volonté qui agit concrètement à partir des revendications basiques. Le débat sur ce que le capitalisme fait aux savoirs a été riche de contradictions et réflexions. J’ai mieux compris aussi la situation de Cédric Herrou et son action dans la vallée de la Roya. Une déception : place de l’art et de la culture dans la lutte pour la démocratie : seul un délégué CGT des techniciens du spectacle a élargi un peu le débat, les autres se limitant à prôner leur parcours ou leur action dans le cadre du spectacle vivant.

D’autres prises de parole, plus attendues, ont rythmé les déambulations, flâneries ou discussions informelles entre les stands associatifs et la librairie éphémère où l’on croise des visages connus…

Ainsi s’achève le week-end dans la fraternité et l’espoir d’un progrès politique.


Cependant ce mardi 27 août, le pays reste suspendu à l’annonce par le président de la République du nom du ou de la premier.e ministre qu’il daignera enfin désigner, après plus de six semaines de délai à l’issue des élections législatives. (Voir dans ce même blog à la rubrique « Chronique des actus » le résumé : Pour Mémoire 9). Six semaines de rumeurs, de silences commentés, d’attentisme, d’atteinte au processus démocratique, de tensions sous prétexte de trêve olympique, si bien que depuis pas mal de temps j’ai la désagréable sensation de ne plus m’appartenir, sinon lors de parenthèses où je m’évade du quotidien. Bien qu’il soit loin des souffrances qu’endurent tant de populations de par le monde, mon quotidien (santé, déplacements, moyens économiques, libertés d’action) est depuis plusieurs années suspendu aux décisions apparemment arbitraires d’un homme qui oriente la vie publique comme il l’entend, sans se soucier de la réalité de millions de gens. Et ballotté d’un arbitraire à l’autre, je me sens soumis à trop d’incohérences pour que ma vie n’en souffre pas. Déjà entre 2018 et 2020, les protestations des « gilets jaunes » n’ont obtenu comme réponses que saccages, violences et tirs. Puis ce fut le COVID face auquel les masques ont été décrétés nuisibles, avant d’être rendus obligatoires un mois ou deux plus tard. Après les masques, ce sont les sorties de chez soi qui ont été soumises à autorisation spéciale (qu’on se délivrait soi-même). Après ces curieux ausweiss vaguement contraignants et vaguement libéraux, c’est le vaccin (pas le russe ni le chinois mais trois vaccins occidentaux et parmi eux un américain privilégié) auquel les français ont été forcés de se soumettre sans que cette vaccination soit officiellement obligatoire. Rappel : il faut en général une dizaine d’années de suivi pour qu’on mette sur le marché un vaccin fiable, ici ce fut l’affaire de six mois pour obliger les populations (y compris les jeunes à peine atteints par la maladie) à s’y soumettre.

Après que l’OMS a décrété fini l’état de pandémie, notre pays s’est vu imposer une série de mesures concernant la sécurité, l’emploi et les retraites, et d’autres choses encore touchant à la vie ordinaire de chacun.e, sous le nom optimiste de réformes. Or certaines de ces mesures ont soulevé la protestation de six millions et demi de personnes, et l’opposition de 83 % de la population active selon les instituts de sondage. Non seulement il n’a pas été tenu compte de ce large dissensus, mais toutes les mesures ont été imposées par la violence dans la rue et par le passage en force dans les assemblées.

Ce rappel déjà un peu long pour dire que les décisions politiques (que certain.e.s qui « ne font pas de politique » semblent ignorer) impactent sérieusement notre vie quotidienne.

En 2024, les élections européennes ont vu la montée des partis d’extrême-droite. Le président de la République, sous prétexte de s’opposer à cette tendance, a dissous l’assemblée nationale, provoqué de nouvelles élections « législatives » tout en annonçant que La France Insoumise ne faisait pas partie de « l’arc républicain ».

???

Il semble que dans l’esprit de qui nous gouverne, les partis d’extrême-droite, parfois fondés par d’anciens de la Wafen SS, en fassent partie : de quelle nature est donc cet arc républicain qui exclut, à l’assemblée, tout ce qui siège à gauche des soutiens présidentiels ?

Cependant le Nouveau Front Populaire, constitué d’une union des partis de gauche face à la montée des fascismes, est arrivé en tête des législatives : pas de majorité absolue, mais au total le plus grand groupe parlementaire devant l’extrême-droite, les partis présidentiels et la droite traditionnelle. Or, pour la première fois dans l’Histoire de nos Républiques, le président a d’abord attendu plus de 6 semaines pour dire le nom de la personne qu’il chargeait de former un nouveau gouvernement (que l’on ne connaît toujours pas en ce moment) puis, ayant consulté les partis, a fait savoir que Lucie Castets, unanimement désignée par la gauche à cette fonction, ne l’exercerait pas.

Na.

Un ancien ministre, monsieur Cazeneuve, s’est déshonoré en affirmant qu’aucun.e député.e France Insoumise ne devrait siéger à l’assemblée nationale : or non seulement le suffrage universel vient d’en élire 71, et le propos de monsieur Cazeneuve bafoue le suffrage universel, mais 35 députés des partis présidentiels tiennent leur siège du désistement (opposition républicaine à l’extrême-droite) de candidat.e.s de LFI arrivés troisièmes au premier tour. A quel titre donc ostraciser LFI et, au-delà de ce mouvement, la relative majorité de toute la gauche ? La volonté de poursuivre éternellement une politique libérale à l’extrême est un élément de réponse, mais au-delà de cette opinion, de cette idéologie, qu’est-ce qui pousse l’actuel pouvoir non seulement à combattre ses détracteurs, ce qui est bien légitime, mais à faire comme s’ils n’existaient pas ?


N’oublions pas que, lorsque des soignants ont refusé le pass vaccinal qui leur était imposé, le président de la République, président donc de toutes les françaises et tous les français, avait annoncé qu’il allait tout faire pour les « emmerder ». Cela avait amusé monsieur Véran, ministre, qui avait souri du franc parler du Président. Fallait-il s’amuser du licenciement de personnels soignants en pleine crise sanitaire ? Devant tout le déploiement de mesures arbitraires présentées comme nécessaires, quoique changeantes et aléatoires, je n’ai pu m’empêcher de penser aux expériences du professeur Laborit : des animaux de laboratoire soumis à un stress localisé (une décharge électrique par exemple) parviennent vite à l’éviter. Mais si la source du stress devient aléatoire, ils s’en prennent à leurs congénères. Sans congénères à qui s’en prendre, ils s’en prennent à eux-mêmes (mutilations, prostration dépressive et dépérissement…). Même si nous ne sommes pas tout à fait des souris de laboratoire, ne sommes-nous pas soumis malgré nous à un régime où l’arbitraire instille la peur et, face à cette peur qui ignore quel mauvais coup se prépare, où et quand, nous révolte ou nous anéantit ?

Nous ne souffrons pas les maux des vraies victimes des véritables guerres : nous vivons loin des atrocités inhumaines qui se commettent à Gaza, ailleurs en Palestine, en Ukraine, au Congo, etc...Est-ce une raison pour ne rien dire des victimes de l’arbitraire, ici même, de celui qui depuis sa première élection, n’a cessé de nous vouloir en guerre pour assurer son autocratie ? En guerre contre les pauvres et les laissés pour compte, en guerre même contre un virus, en guerre contre ses opposants qu’il ne s’agit plus de convaincre mais d’abattre ?

C’est pourquoi trois ans plus tard, je me demande si dans le fonds ce refus de prendre en compte le résultat des élections, qui ressemble à un caprice d’enfant (je casse ce qui ne me plaît pas), ne puise pas sa véritable déraison dans un plaisir (relevant psychanalytiquement du stade anal) d’emmerder une fois encore une bonne partie de la population. Mais quand cette partie représente plus du tiers des élus, n’est-ce pas une façon de plonger la France entière dans la m… ?

Certes, il y a les mesures du programme du NFP qui s’opposent point par point à la politique qui a été conduite depuis plus de quinze années, mais n’y a-t-il pas sous-jacent comme un attrait pour le chaos, vice troublant épargné à nos voisins ? Plusieurs de nos voisins capitalistes ont admis, devant l’accumulation des problèmes sociaux, d’indexer les salaires sur l’inflation et relever les bas salaires. Privilégier le chemin de fer (voyageurs et fret) par rapport aux poids lourds, les allemands et les suisses (pourtant pas trop révolutionnaires) le font. Pourquoi en France cet acharnement à s’en prendre aux étudiants sans le sou, aux prolétaires ubérisés, aux titulaires précaires d’un RSA peau de chagrin ? Pourquoi, y compris au mépris des institutions et de la devise qui les résume (Égalité – Fraternité en particulier) cultiver le mépris de la population ? Pourquoi prendre exactement les mesures propres à mettre le feu aux poudres en Kanakie - Nouvelle Calédonie ou déchirer le tissu social à Mayotte ? Pour le profit de quelques-uns sans doute, mais est-ce suffisant ? L’habileté véritable ne consisterait-elle pas à faire au moins semblant de jouer le jeu ? Au lieu de cela on donne dans l’outrance, le mépris, la morgue, la suffisance, la violence frontale qui bafouent les espoirs démocratiques et exacerbent les ressentiments.


Comme Aristote jugeait qu’il y avait des esclaves par nature, nos dirigeants pensent-ils qu’il y a par nature des corvéables à merci sur lesquel.le.s on s’asseoit comme sur une cuvette de chiottes ? 

 *

Additif du 28 août : à la relecture, je m'aperçois qu'on pourrait croire que je considère ce mépris des gens et de la démocratie comme le fait d'un seul homme. or je n'ignore pas que les puissances d'argent ont dès longtemps utilisé, instrumentalisé les processus démocratiques tant qu'ils pouvaient s'en servir, et se sont assis dessus et/ou les ont écrasés lorsque les résultats des scrutins démentaient leurs projets.  Sans remonter aux siècles passés, on retient le tour de passe passe du traité sur la constitution de l'Europe (Rome II, 2004) refusé par plusieurs peuples d'Europe et reconduit par ses dirigeants en 2007 par le traité de Lisbonne. On voit bien, aujourd'hui et partout, l'acharnement des puissances à poursuivre les lanceurs d'alerte et toutes les formes d'expression libre dans l'espace public : aujourd'hui le watergate n'aboutirait pas à la démission du président américain (Nixon) mais à l'incarcération des enquêteurs...

Je n'ignore pas ces données objectives du temps présent. Mais je reste frappé par la singularité, dans ce panorama, de notre chef d’État, si prolixe qu'il concurrencerait presque sur les ondes feu Fidel Castro, mais dans un autre registre, et si contradictoire entre les propos tenus, démentis puis confirmés, conduisant à un embrouillamini d'où rien ne ressort, sinon que ses opposants sont les seuls responsables -pardon, "coupables" à éliminer- des difficultés que nous connaissons. 

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1 commentaire:

  1. Un tel mépris après avoir lui même provoqué cette situation chaotique (un abus de pouvoir de plus !) que j’en viendrais presque à ne plus voter pour arrêter d’entretenir ces politiques de m…! On tape toujours sur les mêmes précaires pour mieux diviser, profonde tristesse et colère. Merci pour cette publi

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