"Sans la libxxxé de blâxxx il n'est point d'élxxx flatxxxx"
Pierre C. de Beaum......s in Le m...de F.
- Introduction
- Simple résumé des épisodes précédents pour les résidents de France qui s'éveilleraient après un coma de sept ans
- Tout, son contraire et n'importe quoi
- Avancées ?
- L'exclusivité du terme génocide ?
- Haro ! Haro ! Des criminels au Panthéon !
- Terres dévastées et scènes de chasse
- Certitudes et interrogations sur une question d'actualité
- Zoom sur l'Absurdie
- Le grand déchaînement
C'est pourquoi il est bon avant même de commencer quoi que ce soit - et surtout avant de se tenir au plus près de l'actualité - de ne pas oublier ce qui la précède. Mais faute d'être historien, je ne remonterai pas à des sources trop lointaines.
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"Sans la libxxxé de blâxxx il n'est point d'élxxx flatxxxx"
Le 26 janvier 24
Simple résumé des épisodes précédents pour les résidents de France qui s'éveilleraient après un coma de sept ans
Nous sommes gouvernés depuis 2017 - et chaque jour plus durement - par ce que le langage de la comédie classique aurait appelé "un impertinent" : un personnage qui au sens propre manque de pertinence car ni lui ni sa parole ne sont à leur place. Pourtant une partie de mes concitoyen.ne.s l'ont par deux fois porté puis maintenu au pouvoir. C'est donc qu'il y a deux France, la leur et celle des autres, comme au temps de Jeanne d'Arc, comme il y avait également deux Espagne au temps du poète Machado sous le franquisme : "una España que muere y una España que mosteza"(une Espagne qui meurt et une Espagne qui se pavane) - poème que chantait Paco Ibañez dans ma jeunesse.
Donc, un impertinent, qui tient entre ses mains les moyens (les rênes disent les journalistes) de l’État, la puissance qui lui permet d'exercer l'autorité militaire, policière, et en grande partie économique et juridique. Déjà un précédent ministre avait opposé "la France d'en-haut" à "la France d'en-bas", sans toutefois soumettre cette dernière par la violence physique.
Désormais c'est différent.
Dès l'émergence d'une France en gilet jaune - celle qui portait les gilets en question ou les considérait avec bienveillance, sympathie ou reconnaissance, le chef de l’État a fait intervenir si rudement les forces de l'ordre qu'on a comptabilisé plus de 30 mains arrachées, des yeux éborgnés ou aveuglés, des dizaines d'autres blessés graves, et 3 morts par tirs accidentels : c'était une guerre -sans déclaration - contre la France d'en-bas. Dans les mois qui suivirent, la guerre fut déclarée -hautement cette fois-ci - à un virus nouveau qui allait déclencher une future pandémie. Dans cette pénible circonstance, le chef de l’État nous a expliqué que le port du masque pour se protéger du virus était inutile - voire néfaste - alors que le pays manquait de réserves de masques. Quand on en obtint, le port du masque devint soudain obligatoire sous peine de lourdes sanctions. Et plus tard, ce sont les vaccins hâtivement autorisés (les vaccins d'occident : ni les vaccins russes ni les chinois n'étaient valables) qui aboutirent à une obligation déguisée, les non vaccinés étant exclus de leurs métiers - licenciés ou suspendus au moment même où l'on manquait de soignant.e.s. Un pass sanitaire fut alors mis en place après plusieurs confinements de la population pour freiner l'avancée de l'ennemi viral.
[Chacun.e est Libxx de chercher les rapports qu'on peut établir avec L'État de siège, pièce qu'Albert Camus a conçue à partir de son roman La Peste.]
Lorsque l'étau sanitaire s'est desserré, les lois se sont multipliées pour affaiblir, dénaturer, restreindre ou supprimer les acquis sociaux de près d'un siècle : d'abord par les votes d'une Assemblée Nationale où le parti présidentiel était majoritaire, puis, lorsque ce parti eut perdu la majorité, par le recours systématique à l'article 49-3 de la Constitution qui permet à l'exécutif de passer outre les débats et le vote de la Loi concernée. Enfin, en orientant fortement les nouveaux projets de loi vers les mesures que la droite et l'extrême droite apprécient sans jamais en évaluer la pertinence ni l'efficacité.
- Loi sécurité globale
- Loi immigration asile, visant à rendre encore plus insoutenable l'existence des migrants (surtout sans papiers) sur le sol français. Leur refuser par exemple l'accès aux soins, mesure contre laquelle s'est élevé le corps médical en raison des dangers qu'elle présente : les esprits tortueux se demanderont si après les futurs J.O. une nouvelle crise sanitaire ne permettrait pas de repousser (sine die ?) de nouvelles échéances électorales, d'interdire les rassemblements et les déplacements....N'y songeons pas, l'heure présente est entièrement consacrée au triomphe de l'esprit olympique.
Reste qu'avec cette loi, si le conseil constitutionnel ne l'invalide pas, tout migrant serait a priori considéré comme un délinquant par nature, avant toute commission d'un acte quelconque,comme Aristote jugeait qu'il y avait des peuples esclaves par nature. Mais c'est de l'Histoire ancienne...
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Le 26 encore
Tout, son contraire et n'importe quoi.
- Le ministre de l'intérieur Darmanin a répondu à la TV que si les force de l'ordre n'intervenaient pas contre les actions musclées de la FNSEA c'est qu'il fallait prendre en compte le malheur des paysans.
Où vit-on ?
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Le 27 janvier
Avancées ?
1) Hier la cour Internationale de Justice a enjoint Israël de prendre des mesures pour éviter la commission d'un génocide dans la bande de Gaza.
Mais ne s'est pas permis d'appeler à un cessez-le-feu. Rien n'est dit sur l'accaparement des terres en Cisjordanie, mais il est vrai que ce n'est pas l'objet sur lequel la Cour avait été saisie (par la République Sud-Africaine, le Mexique et le Chili).
Cette avancée sera-t-elle suivie d'effets, quand on sait que le pouvoir de Netanyahou (coïncidence horrible : mon correcteur d'orthographe, pour lequel Netanyahou ne faisait pas partie du dictionnaire, m'a proposé "nettoyant" à la place...) ne se maintient que par la guerre et que sans elle, la guerre, et sans lui, le pouvoir, il tomberait sous le coup de plusieurs affaires judiciaires...
Excellent hors série du diplo sur l'historique du conflit Palestine - Israël.
2)
Il semble que la Confédération paysanne et d'autres "petits"
agriculteurs veuillent orienter autrement les protestations actuelles
des paysans, les relier à une base moins poujadiste. cf.rapide évolution
des gilets jaunes.
3) Plus du tiers des articles (32) de la loi immigration ont été invalidés par le conseil constitutionnel. Il s'agit principalement des mesures d'extrême droite (et de droite extrême selon la novlangue actuelle) ségréguant un peu plus les populations étrangères qui le sont déjà : préférence nationale, déchéance de nationalité, restriction du "droit du sol"...
Cependant un appel est lancé à
une grève générale des travailleurs et travailleuses immigré.e.s pour
que les français se rendent compte que l'économie et le fonctionnement
de la nation tiennent à leurs labeur. Mais je crains que pour beaucoup
de français (comme ce pourrait être le cas dans d'autres pays) le fait que
celles et ceux qui travaillent pour la France sans en avoir la
nationalité soient traités inférieurement ne les dérangerait pas
beaucoup : cette forme déguisée d'esclavage serait sans doute assez
normale aux yeux de beaucoup. Voir à cet égard "la guerre des
salamandres." dans la rubrique"Au gré des Livres".
Que reste-t-il de cette loi scélérate ? L'élargissement des OQTF (bien que selon la Cimade , hors considération éthique du sujet, le coût d'un centre de rétention revient à 700€ /jour/personne...pour rien au total).
Exclusion de l'aide sociale à l'enfance pour les parents frappés d'OQTF : les enfants trinquent pour la nationalité de leurs parents, sachant que déjà les lieux de rétention sont non mixtes et que les couples (parents y compris) sont nécessairement séparés comme s'il s'agissait de délinquants en maison d'arrêt.
Création d'un fichier des mineurs sans famille (mais un mineur ne le reste guère)...
Régularisation en revanche pour les métiers "en tension" : tant mieux, mais cela va-t-il créer des "métiers pour étrangers" ?
Allongement (2 ans au lieu d'1) de la durée d'assignation à résidence pour qui ne peut sans dommage quitter le territoire français alors qu'iel y est obligé.e.
(Passer sa vie en rétention si on refuse l'OQTF ?)
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L'exclusivité du terme génocide ?
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Haro ! Haro ! Des criminels au Panthéon !
Ce jeudi 22 février 2024 Missak et Mélinée Manouchian sont entré.e.s au Panthéon et j'ai pleuré, comme je l'ai fait plus d'une fois en lisant le poème d'Aragon écrit à partir de la dernière lettre de Missak à son épouse : "Strophes pour se souvenir". Comme j'avais jadis pleuré en écoutant le chant qu'en a fait Léo Ferré sous le titre "L'affiche rouge".
Sinon,
la cérémonie elle-même ne m'a ni appris ni ému. Je me suis crispé et
tendu comme lorsqu'on ose vous adresser en pleine face un mensonge.
Cette crispation constitue le seul comportement de résistance qui me
soit laissé devant une mascarade organisée. Transférer des cendres au
Panthéon, de quoi s'agit-il ?
Il s'agit d'honorer les hommes illustres (et les femmes depuis peu) que notre nation érige en symboles de ses valeurs : liberté et fraternité. Pas toutes et tous évidemment, mais quelques un.e.s estimés comme particulièrement symboliques parmi celles et ceux qui ont contribué à la défense de notre pays ou l'ont honoré de leur action : action militaire, ou scientifique (Marie Curie) ou, comme ce fut le cas pour Jean Moulin unificateur des forces de résistance à l'occupant nazi, par leur activité clandestine d'opposition au gouvernement collaborationniste d'alors. Le groupe de résistants qui eut à sa tête Missak Manouchian était composé de 7 nationalités. En s'en prenant activement à l'occupant, ils combattaient aussi, de fait, l'idéologie raciale et guerrière qui constitue le nazisme à savoir l'idée qu'il existe des races humaines, que parmi elles la race blanche est supérieure aux autres, et qu'au sein de cette race blanche, sa souche aryenne est supérieure aux souches slave, tzigane et juive - tellement supérieure que pour le bien de l'humanité entière, il convient de soumettre ou d'exterminer les "inférieurs", juifs en premier lieu.
Qu'on veuille bien excuser ces truismes : il se pourrait que des plus jeunes oublient ou méconnaissent les réalités effroyables que recouvrent des mots passe-partout comme "national-socialisme" ou "fascisme" dont il ne resterait qu'un folklore diffus avec insignes, drapeaux, casquettes et produits dérivés, autour des stades. Rappelons seulement que les stades ont aussi servi à rassembler les "inférieurs" pour les exterminer.
C'est
CONTRE ces réalités que le groupe Manouchian, et quelques milliers
d'autres combattants, ont lutté et ont pour cela été qualifiés de
"terroristes", comme en témoigne la fameuse affiche rouge qui prétend
rabaisser la
Résistance (que l'on vient d'honorer aujourd'hui) à un ramassis de
sous-hommes criminels et étrangers. Face à l'image un temps dévoyée du
groupe et à la culture du chef, il me parait bon de rappeler
nominativement quels furent les membres du groupe Manouchian.
Seule femme du groupe, Olga Bancic (roumaine, 32 ans) n'a pas été exécutée avec ses compagnons d'armes mais décapitée à Stuttgart le 10 mai 44. Ont en revanche été fusillés le 21 février 1944 au Mont-Valérien (Suresnes) les 22 résistants / terroristes dont une dizaine figuraient en médaillon sur l'affiche rouge placardée par l'occupant : "Des libérateurs ? La libération par l'armée du crime". 4 mois avant le débarquement de Normandie, 6 mois avant celui de Provence.
- Missak Manouchian, 37 ans, ouvrier et poète arménien. En médaillon sur l'affiche.
- Armenak Arpen Manoukian, 44 ou 48 ans, arménien
- Celestino Alfonso, 27 ans, espagnol. En médaillon sur l'affiche
- Joseph Bocsoy, 38 ans, ingénieur chimiste hongrois.. En médaillon sur l'affiche
- Georges Cloarec, 20 ans, français.
- Rino Della Negra, 19 ans, français d'origine italienne.
- Thomas Elek, 18 ans, étudiant hongrois.
- Maurice Fingercwaig, 19 ans, polonais. En médaillon sur l'affiche.
- Spartaco Fontanot, 22 ans, italien. En médaillon sur l'affiche.
- Jonas Geduldig, 26 ans, polonais.
- Émeric Glasz (Imre Békés) 42 ans, ouvrier métallurgiste hongrois.
- Léon Goldberg, 19 ans, polonais.
- Szlama Grzywacz, 34 ans, polonais. En médaillon sur l'affiche.
- Stanislas Kubacki, 36 ans, polonais.
- Cesare Luccarini, 22 ans, italien.
- Marcel Raiman, 21 ans, polonais. En médaillon sur l'affiche.
- Roger Rouxel, 18 ans, français.
- Antoine Salvadori, 24 ans, italien.
- Willy Schapiro, 29 ans, polonais.
- Amedeo Usseglio, 32 ans, italien.
- Wolf Waisbrot, 18 ans, polonais. En médaillon sur l'affiche.
- Robert Witchitz, 19 ans, français. En médaillon sur l'affiche.
Comme tout cela s'est déroulé vite fait bien fait peu de jours après que la loi anti immigration est entrée en vigueur, tandis que de violents groupes d'extrême-droite se livrent à des ratonnades qu'on croyait d'un autre âge ou à des saccages de boutiques ou d'établissements humanitaires, il vient forcément une question à ce qui nous reste d'esprit dans un contexte qui le combat :
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Terres dévastées et scènes de chasse
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Certitudes et interrogations sur une question d’actualité
1er volet :
souvenirs anciens ressuscités au lendemain de la journée internationale des droits des femmes.
Lorsque je portais ma fille sur le ventre, dans son porte-bébé kangourou, les passants des rues piétonnes d’alors se retournaient sur moi comme sur une curiosité venue d'une autre planète. Lorsque trop vite après, je suis allé la chercher à l’école… maternelle (pardon : pré-élémentaire), j’ai dû affronter les mamans, les tatas et les nounous qui se précipitaient pour l’habiller à ma place.
« oh la pauvre petite »
« oh la pauvre bichette »
étaient des expressions lancées à ma barbe, tandis que les mains expertes des professionnelles du maternage boutonnaient le manteau, fermaient en un éclair l’anorak de ma fillette criant « papa ».
Devais-je
m’expliquer, me fâcher devant toutes ces bonnes volontés qui ne
me reconnaissaient pas le droit de choyer mon enfant ? Qui n'admettaient pas que je m'occupe d'elle, que je sache faire ?
C’était il y a longtemps et j’étais convaincu d’aller, quoique chahuté, dans le sens de l’Histoire : bientôt presque tous les hommes non seulement partageraient les tâches dites domestiques, mais ils pourraient aussi témoigner de tendresse envers leurs enfants (voire d’autres que les leurs), sans être écartés des échanges affectueux réservés aux dames.
Quelques décennies plus tard, je vois que les mouvements féministes et plusieurs partis politiques réclament non seulement l’égalité des revenus pour un même travail, et luttent contre les « plafonds de verre » qui touchent toutes les populations discriminées, mais aussi s’élèvent contre les violences physiques et verbales subies par les femmes ou les enfants, ou des minorités de genre ou ethniques racisées, tandis que les vocables « pédé » ou « fiotte » que je croyais réservés aux archives continuent à agresser – souvent avant passage aux coups, aux viols, etc.
Quelles forces nous ont ramené à ces comportements archaïques alors même que, dans le même temps et malgré les cris d'orfraie traditionalistes, la loi élargissait et défendait les droits humains à toustes les citoyen.ne.s ?
Et
l’éducation dans tout ça ? Qu’attendent les nounous, tatas
et mamans, de leur rejeton.ne.s ? Les veulent-iels joli.e.s ?
Dégourdi.e.s ? Volontaires ? Costaud.e.s ? Déterminé.e.s ? Bien
trempé.e.s de caractère et ne s'en laissant pas compter ? Dociles ou
obéissant.e.s ? (Je sais bien que c'est à peu près la même chose, mais
l'usage comme la charge positive ou négative de ces deux mots n'est pas
la même). En vue de quel devenir adulte les familles et leurs substituts
élèvent-elles les fillettes et garçonnets ? Pour être chef.fe.s ?
Milliardaires ? Libres face aux autres, ou pour être soi-même ?
Solidaires ? Gagnant.e.s, battant.e.s, conquérant.e.s ? De quoi (de
territoires ennemis, de parts de marché, de bons revenus ou autres
choses...) ?
2ème volet :
Certitudes et interrogations sur une question d’actualité
Hier la cérémonie des Césars a brui du discours de Judith Godrèche (mon correcteur orthographique ne me propose hélas que Godiche) comme l’an passé la Croisette avait murmuré des honnêtes propos de Justine Triet qui craignait pour la liberté de création : pas assez soumise, la madame, pas assez remerciante des honneurs imprévus qui lui étaient consentis, trop partisane et politique, en un mot trop pensante, trop mal pensante, et si l’homme est un roseau pensant (hommage intéressé de Pascal à Descartes ?), la femme doit-elle l’être ?
Mais ne nous égarons pas de parenthèse en parenthèse : hier soir, Judith Godrèche a mis les points sur les i et voulu susciter, enfin, une réaction claire des milieux cinématographiques contre les violences faites aux femmes. Elle ne l’a pas pleinement obtenue : le silence dans la salle était pire qu’à l’exclusion de Garaudy du PCF (mon correcteur ortho qui ignore Garaudy propose « maraud »).
Je ne sais pas s’il est possible de parler d’un tel sujet sans être immédiatement rangé dans la catégorie des pour ou des contre, des libérateurs ou des fachos machos, des progressistes humanistes ou des réacs patriarcaux : essayons.
Pour ma part, il ne m’est arrivé qu’une fois de subir contre ma volonté des attouchements : j’avais presque 18 ans, un agriculteur m’avait pris en stop près d’Aléria et commença à me poser la main sur la cuisse et la pétrir un peu. J’ai rapidement demandé à descendre et son entreprise (muette) s’est arrêtée là : il n’y a pas eu de véritable menace, d’agression aboutie, c’était un rien, une futilité. Mais je me la rappelle assez clairement des décennies plus tard, comme une réelle agression sur ma personne, qui provoqua sur le coup un mal-être blessant sur lequel je ne mettais pas de mots.
Partant
de ce « rien » qui m’a marqué précisément parce que
ce n’était pas rien, j’en perçois la disproportion par rapport
à des relations sexuelles imposées sous une quelconque menace.
Comment vit-on dans un monde où l’on peut difficilement dire non,
où même on ne le peut pas du tout, où la seule alternative réside
dans la fuite (et l’abandon des espérances) ou la soumission ? Qu'un
tel monde soit condamné après que les contraintes qu'il impose aux
victimes ont été révélées, voilà qui réjouis, ou du moins qui soulage.
Toutefois, ce principe intangible rencontre parfois des circonstances moins nettes, qui ne sont pas nouvelles : Musset déjà évoque les familles qui, dans la Florence du XVIème siècle, comptent sur la jeune fille de la maison pour leur valoir une promotion sociale, ou quelques ducats pour les plus pauvres (Lorenzaccio, III, 3). L'espoir du succès auprès d'une 'vedette' ne peut-elle conduire à de telles stratégies ? La personnalité en vue ne doit pas céder, bien sûr, mais là n'est pas la question. La question serait : que vaut la notion de consentement chez un.e admirateur.ice. qui escompte faire carrière ? Qui démêlera lucidement entre le consentement et la pression, l’insistance à quoi l’on cède ? Saluons à cet égard les fonctionnaires de police et de justice qui s’emploient à distinguer le vrai d’avec le faux dans des circonstances contradictoires et obscurcies. La majorité est depuis un demi-siècle établie à 18 ans, il est question de l'abaisser à 16 : que vaut le consentement d'un.e adolescent.e de 16 ou 18 ans lorsque les enjeux, affectifs ou autres, sont pressants et peu clairs ?
Que le principe du consentement demeure la base d'une relation sexuelle, c'est le point d'appui indispensable. Mais il apparait que cette exigence même n'est pas aussi limpide que l'on voudrait.
Cependant une autre question me tarabuste, moins légale que physiologique : celle des appétits – et de la prétention à honorer la personne que l’on force ou contraint de quelque façon. Dans un passé pas si lointain où la bourgeoisie officiellement puritaine s’amusait des frasques prêtées aux artistes (célèbres) – nombreux mariages de telle star hollywoodienne ou aventures extra conjugales d’acteurs ou de chanteurs – dans un passé proche, donc, tel ou telle avait la réputation d’être un tombeur, un Dom Juan, ou une grande amoureuse, une croqueuse d’hommes, etc, pour reprendre des expressions désuètes qui furent populaires. Des stars fragiles connaissaient des épouses ou des maris successifs, des amant.e.s kleenex et vivaient entourés d’adorateurices (d’aides-éducatrices suggère mon correcteur) : Ô combien de groupies se sont offert.e.s aux musiciens pop (après avoir jeté leur soutif sur les scènes internationales ou remis un coup d’eyeliner dans les bals de villages), combien de soupirant.e.s ont suivi leurs tournées et se sont évanoui.e.s dans l’extase de leur sueur ? Combien ont ainsi devancé les caprices de l’idole ? Je me demande dès lors où les heureux récipiendaires de ces hommages (ce sont pour la plupart des hommes) trouvent le désir de forcer d’autres partenaires potentiel.le.s ? Où puisent-ils la conviction que leur désir est un honneur pour chaque passant.e qui croise leur chemin ? On évoquera la fatigue et le relâchement des road trips et jet lag. Surmenage et décompression. L’excitation mêlée à l’abandon après la performance scénique. La solitude de longs et lointains tournages. Certes. Je reste cependant surpris par la boulimie que supposent de tels comportements. Et comme nous l'a montré un ancien ministre, cela reviendrait à se servir d’autres personnes humaines, des personnes de compagnie en quelque sorte, comme de la serviette éponge que les ramasseurs de balles glissent aux champions des courts, vite fait bien fait pour leur faire du bien sans déranger leur concentration. C’est alors en contradiction avec le rêve, le fantasme de midinet(te) envers les stars (du sport, du cinéma, de la politique ou du barreau, de n’importe quoi) : y a-t-il beaucoup de personnes pour désirer se mettre entièrement au service d’un.e autre, même adulé.e ? Sainte Véronique peut-être, qui avait l’air de s’y connaître en serviettes éponges ?
Le principe du consentement revient alors au premier plan, sa nécessité est confortée, mais suffit-elle ? Peut-on consentir librement et amoureusement à une servitude ? A être la chose d’un.e autre, à en devenir l’esclave par choix ? J. Brel a chanté « Laisse-moi devenir / L’ombre de ton chien » (Ne me quitte pas) : version romantique d’un thème qui l’est beaucoup moins dans des écrits érotiques sadiens, tels Histoire d’O ou les Carnets de Laure : qu’y a-t-il derrière le désir tant admiré et décrié à la fois d’appartenir totalement à quelqu’un ? Cela a-t-il du sens ? Quant aux personnes (intelligentes) qui ont figuré ce fantasme dans leurs écrits, ou tenté de le vivre, qu’exprimaient-elles derrière ces mots qui pour moi sont un complet non-sens ?
Mais laissons la souffrance et la perte de soi érigées en œuvre d’art. Ce qui émerge avec le mouvement #me too c’est, compte-tenu des plaintes déposées ou à venir, la remise en cause d’un monde où le talent -la valeur peut-être- se confond avec la puissance. La fin des êtres qu’un langage commode prétend irrésistibles. Malgré ses ambiguïtés, le consentement constitue une bonne base pour faire place aux simples égards que l’on doit à une autre personne – ce qu’avait bien compris malgré son peu de langage, et bien qu’il m’ait si fort déplu, mon vieux conducteur d’Aléria.
Le monde des arts, des lettres, des sports ou même de l’entreprise, monde de gagneurs qui fait tant de perdant.e.s, devrait pouvoir le comprendre aussi.
Ceci établi, il resterait ensuite à transformer nos mentalités afin qu’en aucun cas, l’exercice d’un pouvoir ou d’un talent n’exerce une fascination telle qu’y soit associée érotisme ou héroïsme : vaste programme qui remet en cause l’éducation, le patriarcat évidemment mais aussi le train du monde et sa culture dominante, la valeur marchande des objets et des corps réifiés, bien d’autres choses encore qui depuis pas mal de millénaires sont entrées dans notre inconscient collectif. Mais je crains si mon propos bifurque vers ces tâches futures de m’égarer dans les sophismes.
N’envisageons donc, pour l’instant, que le principal :
- pas de rapport au corps de l’autre qui ne soit consenti.
- indistinction entre la volonté d’un homme et la volonté d’une femme (ou de tout autre personne tel.le qu'iel se déclare : voir infra) sans que l’une volonté prime sur l’autre.
- même indistinction en ce qui concerne la parole d’un.e supérieur.e et d’un.e inférieur.e hiérarchiques , ces distinctions « d’établissement » n’ayant de pertinence (que l’on peut discuter par ailleurs) que dans le cadre professionnel auquel l’autorité établie doit se limiter.
D’abord rien que cela, qui serait déjà l’accès à un monde nouveau...
Un monde futur qu’il serait bon de mettre d’urgence sur ses rails, sans quoi la juste exigence de #me too va se limiter à une multiplication toujours plus abondante de dénonciations, donc de procès, sans que les rapports sociaux entre humains évoluent d’un iota. Et l’exigence de justice n’aura abouti qu’à un nouvel ordre moral, nouveau Maccarthysme ouvrant la chasse aux sorciers.
3ème volet : du zèle extrémiste en éthique à la mode
Chasse aux sorcier.e.s d’autant plus féroce et sans fin que l’exigence de respect dû à toustes, lorsqu’elle devient championnat de pureté, connaît ses extrémistes sans bornes, comme le montre ce § lu avant-hier dans un blog :
« Le 8 mars : journée internationale des droits des femmes ? Seulement ? Qu'en est-il des autres personnes subissant la domination cis masculine, soit les personnes queers, non binaires, genre fluide et les hommes trans ? Nous devons militer pour l’élargissement du sujet politique du féminisme ».
Sans doute cette personne a-t-elle raison de tenir pour politique le féminisme et de vouloir l'élargir à d'autres. Mais devant un tel afflux de désignations classificatrices des désirs humains, j’aurais tendance à répondre : « même pas peur ! » Or je n'en suis pas sûr : une nomenclature aussi chargée m'effraie à coup sûr plus que les espaces infinis laissant sa chance au vide, à l'aléatoire et à l'inconnu.
Mais il y a pire : lu ce jour d'hui dans un autre blog, tenu par un homme à qui les plaintes déposées contre G. Miller ont ouvert les yeux, à ce qu'il dit. (Je dirais pour ma part que ça l'a autorisé à exposer publiquement la condition pécheresse qu'il revendique). Voici le début de son texte, je n'ai pas lu le reste, souhaitant à ce monsieur qu'il puisse rejoindre dans les pays où cela se pratique sérieusement un groupe de flagellants :
"...Aucun homme, même 'allié' en apparence (c'est de Miller dont il parle, allié en quoi ?) n'est digne de confiance. Aucun. Le temps de peser et penser tout ça. De réfléchir sur le monstre hideux patriarcal et violent qui vit -aussi- en moi..."
On
voit que la chasse aux sorcier.e.s a un bel avenir puisque les
sorciers jouissent des coups de balai qu'ils s'infligent... car je doute
que ce monsieur ait commis de bien grands crimes, peut-être a-t-il
injurié sa maman ou giflé son petit ami - ce qui est très mal (ou trop
mâle), vous en conviendrez - mais grâce à lui Eve n'est plus seule à
porter le péché originel : elle avait goûté au fruit de la connaissance
(de soi-même ?), Lui a succombé à sa propre Révélation et ne peut dès
lors avoir confiance en aucun homme. Il devra souffrir ad æternam d'être
ce qu'il est. (Ô joie de la chair meurtrie, sacrifiée et dolente :
"Seigneur, je ne suis pas digne de te recevoir mais dis seulement une
parole, etc...")
Cela me fait ressouvenir du personnage de La Gloïre dans l'arrache-coeur (de Boris Vian), pharmakos qui patauge dans un égout pour absorber les péchés de la cité, ou quelque chose d'approchant. Il y aura hélas toujours de zélés jusqu'auboutistes pour transformer une juste lutte (ou cause : le mot "lutte" pourrait cliver) en championnat de repentance.
J'invite enfin à lire ma pièce Dazibaos, qui traite précisément des violences faites aux femmes et intrafamiliales (et de leur dénonciation) pour lever le moindre doute sur cette question de fond qui risque de s'appauvrir en pensée à la mode.
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ZOOM SUR L'ABSURDIE
Le titre de cet article m'est venu après que j'ai assisté au film iranien Chroniques de Téhéran.
L'Absurdie est un territoire aux multiples facettes qui présente des paysages variés mais toujours exotiques. D'anciens moralistes l'ont parfois situé sur d'autres planètes ou de lointains continents. D'autres écrivains comme Kafka l'ont extrapolé en schématisant le monde qu'ils pressentaient à partir de leur expérience ou de leur rêverie inquiète. Leur prémonition a pris corps avec l'avènement de régimes totalitaires d'un genre nouveau : contrairement à ceux du passé, issus de la force ou du hasard, ils se fondaient sur des "vérités scientifiques" qui triompheraient nécessairement, d'abord parce qu'elles étaient vérités (et ne pouvaient dès lors être remises sérieusement en question par des êtres sensés), ensuite parce qu'elle s'appuyaient sur des procédures rationnelles et les techniques les plus avancées.
Les opposants à ces savants progrès ne pouvaient être que malveillants (voués à la case prison, bagne, relégation, extermination selon le degré de gravité de leur mauvais naturel) ou frappés de démence (et leur place était alors dans les asiles psychiatriques où le stalinisme, par exemple, relégua pas mal d'artistes, de chercheurs égarés et d'intellectuels bêtement critiques). Comme la perfection que ces régimes laissait entrevoir se tenait dans un avenir plus ou moins prochain, c'est également dans un futur proche ou lointain, plutôt que sur d'autres mondes ou continents, que les dystopies situaient l'Absurdie heureuse. Huxley, Orwell et quantité d'autres auteurs de science ou politique fiction placèrent l'horizon du bonheur vers la fin du XXème siècle, ou après.
Nos aînés, qui vivaient alors dans le monde libre, voyaient avec bienveillance l'humour grâce auquel les peuples opprimés parvenaient à sourire de leur désespoir. Moi-même j'ai eu plaisir à mettre en scène des pièces de V. Havel dans le temps où il était assigné à résidence et j'ai savouré l'ironie de M. Kundera qui prolongeait l'esprit de N. Gogol ou de W. Gombrowicz.
D'autres traditions ont cultivé des formes particulières de double ou triple sens, en particulier la poésie de langue arabe ou farsi (persane) qui tout en chantant l'amour a exprimé des convictions religieuses ou philosophiques qu'il eût été risqué de dévoiler ouvertement. Nos troubadours cathares s'en seraient souvenu, tout comme certains de nos écrivains entrés en résistance après 1940 : voir La leçon de Ribérac de L. Aragon et la place du lyrisme dans la "poésie de contrebande".
N'insistons pas sur ces détours historiques : constatons plutôt qu'en 2024, dans notre pays, je ne trouve pas en littérature, au théâtre ou sur les écrans de dénonciation de propos ou de mesures absurdes : on en trouve abondamment, de bon ou mauvais goût, sur les réseaux sociaux, mais qu'en est-il au plan de la représentation ? Les ouvrages politiques ne manquent pas, mais ils dénoncent, ils attaquent, ils renoncent ce faisant à l'aimable distance qu'autorise le constat de l'absurdité. J'aime pour ma part ces fictions où les réalités minuscules de l'existence témoignent par le menu de l'inhumanité d'un régime politique qui s'emploie à faire le bonheur de son peuple en réglementant le port des couvre-chef ou l'emploi des prénoms.
Une dictature se signale par la violence qu' elle met à réprimer, menacer, exécuter ses opposants. Mais ces signaux ne concernent que relativement peu de personnes. En revanche les mille tracas par lesquels elle emmerde sa population peuvent à l'occasion atteindre des proportions insoupçonnées et faire prendre conscience à tous et toutes, à tout un peuple, de sa vraie nature. Or je constate que pour ce que j'en connais, le cinéma ou la littérature laissent aux pays lointains le soin de ces dénonciations à taille humaine des processus absurdes. Cela signifie-t-il -et ce serait heureux - que nous échappons à cette dérive qui fait de chacun.e de nous un suspect potentiel et réclame toujours plus de surveillance, de réglementations administratives et de dispositifs répressifs ?
Malheureusement j'en doute. En peu d'années, on a vu un président de notre République déclarer la guerre à...un virus. Et face au virus, ce fut en effet une sorte de politique de la terre brûlée que d'empêcher les humains de se côtoyer dans l'espace public. Les scientifiques de renom qui souhaitaient d'autres dispositions ont été démis de leurs éminentes fonctions. Il fut interdit de consulter les médecins. Il fut interdit de visiter les plus vieux, qui périrent en nombre. Devant le manque apparent d'efficacité de ces mesures, une seconde vague de confinement a été décrétée (je ne me prononce pas sur sa nécessité, je suis incompétent pour cela, mais constate que c'est en parfait illogisme : ce qui n'a pas suffisamment marché doit être renouvelé). On remplissait soi-même les autorisations de sortie. Le document justificatif d'une petite page lors du premier confinement en faisait trois lors du second. Mais laissons ce triste épisode ancien pour des données plus récentes.
On a augmenté le nombre de caméras et de radars partout. En quelle proportion les infractions ont-elles diminué ? Et les délits ? Aucun résultat significatif. D'aucuns plébiscitent alors une nouvelle augmentation d'appareils de surveillance.
Les mesures très coûteuses d'expulsion et de rétention d'étrangers clandestins sont régulièrement renforcées. Y en a-t-il moins ? Non. Que faire ? Renforcer les mesures.
Il est arrivé que des sécheresses soient plus intenses ou fréquentes que par le passé. Que faire ? Réduire la consommation agricole ou industrielle de l'eau ? Non : multiplier les méga-bassines (dont un quart de l'eau s'évapore) pour assurer l'alimentation des cultures les plus gourmandes en eau. Et accessoirement inculper, blesser les personnes qui s'opposent à la construction de ces dispositifs...
Autres suggestions de focus sur l'Absurdie :
- Les descendants des gendarmes qui dans les années 80 sillonnaient les plages pour que les dames s'y couvrissent la poitrine arpentent en 2020 les mêmes sables pour que d'autres femmes ôtent leur burkini (comme à Téhéran, c'est bien souvent le corps des femmes qui fait l'objet de mesures administratives...)
- Un.e ouvrier.e dont l'usine met la clé sous la porte devra prouver que ce n'est pas par son incurie qu'il ou elle se retrouve sans travail. Son déclassement lui offre l'opportunité de rebondir ! Et de se former afin de devenir son propre employeur !
ETC...
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LE GRAND DÉCHAÎNEMENT
Le 12 juin
Notre Président de la République vient de dissoudre l’Assemblée Nationale après en avoir bafoué le rôle par le recours immodéré à l’article 49-3 qui avait réduit son rôle à néant. Le coup de grâce a été porté ce dernier week-end.
Il se trouve que parmi la moitié de mes compatriotes qui ont voté lors des récentes élections européennes, plus de 30 % ont choisi le Rassemblement National, parti raciste et xénophobe fondé par d’anciens partisans de l’Algérie française dont quelques uns avaient revêtu -mais c’est il y a fort longtemps – l’uniforme de la waffen SS. S’ajoutent à ce petit tiers les presque 6 % qui ont choisi un parti plus extrémiste encore, qui veut par exemple interdire les prénoms d’origine non chrétienne ou non française...et, il faut bien le déplorer, s’ajoutent les 7 % qui ont voté pour le parti de droite traditionnelle, dite « de gouvernement », dont la tête de liste préconise de construire un mur tout autour de l’Union Européenne pour lutter contre une insupportable immigration clandestine. Cette tête de liste vice-préside ledit parti – créé lui dans la lignée du gaullisme et du chef de la Résistance – dont le président (monsieur Ciotti) vient de proposer ce 11 juin une alliance avec le Rassemblement National naguère issu de l’OAS, de l’antigaullisme et de l’antiparlementarisme. Confusion générale, brouillage violent des repères remplacés par un amoncellement d’intérêts individuels, querelles et vindictes assassines.
Ce déferlement de haine souvent délirante relève de la liberté de parole et d’opinion (présentée comme une pensée), qui permet à cette droite de se présenter comme « décomplexée ».
J’en déduis que pour ces gens-là, la retenue et la réflexion historique ne relèvent pas tout simplement de la rationalité mais d’un vague complexe qu’il s’agirait de dépasser pour la plus grande gloire de la nation et le bonheur bruyant des individus qui s’en émancipent. Plutôt que « décomplexée », je dirais pour ma part « dévergondée » : vieux mot n’est-ce pas, et qui sent son jugement moral, cependant cela ressemble bien à ce prurit adolescent où l’on se glorifie de faire ce qui ne se fait pas : on casse des librairies, on brûle des livres, on cogne des « pas comme nous »...Dans cette acception, nul n’est besoin d’appartenir à un parti de droite extrême pour se dévergonder sans risque ni surmoi : un ministre de la justice peut faire des bras d’honneur aux représentants de la Nation, ça fait le buzz sur les réseaux et rien de plus. Un simple présentateur TV peut insulter un député, cela vaut argument.
Et plus le politique se discrédite, plus c’est fun.
Restent les contre-pouvoirs : principalement justice et presse. La justice, malgré son garde des sceaux, a des sursauts grâce à d’intègres desservants. Rares et ralentis par des obstacles multiples que dressent une procédure encore garante des libertés individuelles, mais dévoyée. Sursauts tout de même. La presse pour sa part, celle de large diffusion, a depuis des décennies été achetée par des patrons d’industrie et de finance devenus donc patrons de presse par opportunisme. Plusieurs ne cachent pas leurs sympathies pour l’extrême-droite, certains fabriquent ou soutiennent des hommes providentiels, sombres sauveurs sortis du néant. Des journalistes sont licencié.e.s, des émissions audiovisuelles supprimées, il convient de se soumettre ou de se démettre. Seule une très marginale presse indépendante fait un réel travail d’enquête à partir de faits vérifiés : le reste est propagande. Il se trouve que dans cet effroyable panorama, ce qui subsiste du service public d’information (avec toujours moins de moyens publics et toujours plus de fonds privés pour fonctionner) pratique l’autocensure afin de rester dans la ligne. Retour de la chasse aux sorcières.
Ainsi, toutes les sottises peuvent devenir formules et frapper l’opinion : l’hémicycle des assemblées est remplacé par un « arc républicain » hors sol et hors réalité : les tenants d’un État français fort peu républicain en font partie, alors que des forces jugées trop à gauche en sont exclues. Pourquoi jugées trop à gauche ?
Parce que partisanes d’un « islamo-gauchisme » qui n’existe pas (notion sans fondement puisqu’elle associe une dérive politique de la religion musulmane sans représentation en France à une mouvance indéfinie d’une gauche groupusculaire) mais dont on les accuse.
Parce que ne souhaitant plus ignorer dans le pays riche qui est le nôtre, les plus de 5 millions de chômeurs officiellement répertoriés, ni les 3 millions de personnes sans logement (sans abri ou disposant d’abris sommaires, précaires, dits hébergements de fortune – drôle d’expression), ni encore les 15 % de français.e.s vivant sous le seuil de pauvreté.
Parce que refusant le démantèlement du projet de société relativement solidaire issu du Conseil National de la Résistance et assurant à chacun.e une couverture sociale et médicale – même rapiécée la couverture – et des conditions d’instruction – fussent-elle peu égalitaires.
Accompagnant la casse généralisée de la République transformée en start-up, un déchaînement d’injures, de mensonges, de propos à l’emporte-pièce qu’aucune donnée ne vient étayer, déferlent sur les ondes et les réseaux sociaux. Ce défoulement généralisé a pour l’heure remplacé « les lumières de la raison » ringardisées en tant que vieilleries cosmopolites universalistes : mieux vaudrait camper chacun dans l’entre-soi d’un pré carré enclos de barbelés, où prisonnier volontaire de son identité factice (pure!) chacun.e pourrait clamer son mépris et sa haine du pré voisin. Mieux vaudrait parait-il que sous les vociférations belliqueuses chacun.e s’emploie à creuser sa tombe sur son coin de pré…
« o bury me not on the lone prairie ».
Merci Phil pour ces éclairages, coups de gueule, cris du coeur... Je vais suivre - Irène Rivière
RépondreSupprimerJ'aimerais qu'au fil des articles, des commentaires et des rubriques diverses, tout se tienne et se réponde : la voix qui clame dans le désert ne sert pas à grand-chose si elle ne vibre pas aussi au désert : les arts, les voyages, les souvenirs et les espoirs, les choses vues et œuvres lues ont à voir avec les critiques. Quelque part iels les fondent. A suivre...
SupprimerExtrêmement pertinent
RépondreSupprimerDu grand art d'écriture et de pensée
Dommage que la simple logique combinée à la sensibilité humaine ne fassent pas partie des intérêts de nos dirigeants actuels. Qu'auraient-ils à perdre pourtant à penser avec générosité et bienveillance ?
Leur suffisance, leur morgue envers le commun : envers nous.
SupprimerBeaucoup de sous sur leur compte en banque. Malheureusement c'est tout ce qui les intéresse !
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