lundi 5 février 2024

Pétrarque et la Confédération paysanne (Au Phil des jours)

 

 

 Le vendredi 2 février 24

Nous sommes passés devant le lycée Pétrarque. Nous allions soutenir les paysans de la Confédération rassemblés devant un super ALDI de Cavaillon. Le gouvernement ayant accordé les déréglementations que réclamaient la FNSEA, où les gros exploitants côtoient leurs affidés, les petits paysans de la confédération se retrouvent seuls à protester. Ils souhaitent une autre agriculture, réellement vivrière et écologique. Nous allions leur exprimer notre soutien. La Durance est large et grosse, les roseaux abondants. Pas mal de voitures garées devant ALDI, des clients sans doute : il n’y a plus aucun signe de manifestants. On apprendra qu’iels ont été délogé.e.s le matin même : iels ne font plus partie des « malheureux » pour lesquels le ministre de l’intérieur a exprimé sa « bienveillance ». On apprendra plus tard encore que le mouvement s’est déplacé vers Salon de Provence.

Que faire ? Nous poussons jusqu’à la fontaine de Vaucluse. C’est toujours un bonheur de voir ce site exceptionnel sans les hordes de touristes. Les boutiques fermées se feraient presque oublier et l’on peut flâner entre les falaises, le long des eaux changeantes et remuantes. La demeure de Pétrarque est fermée à la visite. On parvient presque à se faire une idée de la solitude. Les eaux vertes et blanches, baroques* et romantiques parmi les ruines, se fraient mille chemins entre soleil et ombre. Elles surgissent (Sorgue sorgente) de dessous les monts pour former la rivière aux cent bras qui va irriguer la plaine, les champs et les villes d’aval. Mais le chaos rocheux tout en haut du chemin est sec : les eaux de la grotte sont basses et nulle écume ne bouillonne sur les mousses qui ferment la principale résurgence.


Retour sous un soleil printanier. Passage par la chartreuse, lieu solitaire où désormais s’entrecroisent les routes nationales, le chemin de fer, la ligne TGV et l’autoroute A7, passage devant l’aéroport et devant le lycée Pétrarque, lycée public du ministère de l’agriculture (laquelle) qui annonce des portes ouvertes et se présente comme « le lycée des sciences du vivant ». Nous rentrons perplexes. L'esprit chahuté entre la terre dont les forces nous dominent et la terre que nous forçons. Entre l’absence des paysans nous laissant à notre solitude et la solitude choisie du poète.

(*) : Parmi les nombreux poètes de Scève à Char qui ont célébré ce lieu où naquit le sonnet, les "baroques" ont multiplié les évocations du courant, ses variations fugaces. Parmi eux Scudéry compose un célèbre sonnet : Fontaine de Vaucluse.

"Mille, et mille bouillons, l’un sur l’autre poussés,

Tombent en tournoyant, au fond de la vallée ;

Et l’on ne peut trop voir la beauté signalée,

Des torrents éternels, par les Nymphes versés.


Mille, et mille surgeons, et fiers, et courroucés,

Font voir de la colère à la beauté mêlée ;

Ils s’élancent en l’air, de leur source gelée,

Et retombent après, l’un sur l’autre entassés.


Ici, l’eau paraît verte, ici grosse d’écume,

Elle imite la neige, ou le cygne en sa plume ;

Ici comme le ciel, elle est toute d’azur :


Ici le vert, le blanc et le bleu se confondent ;

Ici les bois sont peints dans un cristal si pur ;

Ici l’onde murmure, et les rochers répondent."

2 commentaires:

  1. Les pierres sans eau semblent dévaler d'une autre planète. La mousse leur donne une forme qui parle. Portant dans le silence de ce temps sans touristes, on ne les entend pas.

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